Le futur des savanes : une prospective stratégique à l’interface science et politique
Une équipe interdisciplinaire s’est constituée autour de la question du futur des savanes à l’échelle mondiale (le coordinateur est Jacques Gignoux, Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement – UPMC-ENS). Son projet intitulé Impact of Human Drivers on Biodiversity in Savannas (IHDBS) a été retenu par le Belmont Forum. Ce dernier est un fonds mondial qui finance des recherches sur les changements environnementaux globaux. En 2014, ce fonds a lancé un appel à propositions permettant à des équipes de recherche de se structurer pour établir des projets de recherche autour du thème « biodiversité et services écosystémiques », en écho des problématiques portées par l’International Pannel on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES). Cet appel à proposition finance des mises en réseau et des ateliers de travail, permettant à des chercheurs de divers horizons d’échanger et d’établir des problématiques et des pistes de recherches. Le cadrage d’ensemble est de contribuer à l’amélioration de la gestion des grands écosystèmes mondiaux.
Le projet consiste à construire des scénarios d’évolution des savanes, sous l’influence de facteurs socio-économiques et écologiques, de manière à mieux cerner les enjeux spécifiques de leur conservation. L’originalité d’IHDBS repose notamment sur deux points :
– la mise en réseau des écologues travaillant sur les savanes sur les cinq continents concernés (Amérique du Sud, Afrique, Asie, Australie et Amérique du Nord)
– une approche interdisciplinaire, à l’interface de l’écologie et de sciences sociales et politiques.
AScA se retrouve associé au projet via un partenariat avec l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI). Si l’échelle mondiale est nouvelle pour AScA, le projet IHDBS s’inscrit dans un cadrage familier : à la croisée d’une réflexion prospective intégrant des dynamiques socio-économiques et politiques et d’une finalisation vers la décision publique.
Concernant l’objet « savanes » : si son fonctionnement écologique est particulier (fruit d’équilibres complexes entre l’arbre et l’herbe, le sec et l’humide, le feu et la faune, l’homme protecteur ou destructeur…), les enjeux de sa gestion renvoient à des thèmes que l’on retrouve dans les dossiers sur lesquels AScA intervient plus classiquement. L’analyse de formes d’agriculture compatibles ou non avec le fonctionnement écologique des savanes renvoie en particulier aux recherches engagées par AScA sur le saltus, sur les plans d’usage des sols et de prise en charge politique. La savane est un espace complexe, multifonctionnel, dont l’existence s’inscrit entre les espaces agricoles et les espaces forestiers, tout deux colonisateurs.
Concrètement, IHDBS repose sur une série d’ateliers impliquant les écologues et les socio-économistes et prospectivistes. L’enjeu est de construire une problématique commune, dans une approche interdisciplinaire qui reste à construire, au-delà de l’injonction de principe. Un cadre commun de questionnement a pu émerger après que chaque discipline a pu expliquer aux autres ses objets, ses questions et son appréhension des enjeux du futur. Plus que les services écosystémiques, qui restent un média finalement un peu trop abstrait pour les écologues et peu opérant pour les socio-économistes, les axes sur lesquels les deux approches se rencontrent sont plus concrètement des modes d’utilisation des terres (avec un gradient d’usages allant d’une nature dans les espaces protégés à des altérations profondes du fonctionnement écologique des savanes – agriculture et plantation forestière – en passant par un pastoralisme ou une agriculture de défriche-brûlis plus ou moins intensifs), des pratiques de gestion et des problématiques de conservation des savanes, au sens large.
La réflexion débouche sur un cadrage stratégique pour différents types de scénarios : depuis des scénarios de « mise à l’agenda » des savanes à l’échelle mondiale (dont le futur est écrasé par celui des forêts tropicales) à des scénarios révélant les enjeux de gestion socio-technique de ces espaces, dans autant de contexte écologiques et socio-politiques que de sous-continents.
La suite de ce projet : la soumission d’un projet de recherche au Belmont Forum courant 2017.
Xavier Poux, AScA