TYFA : un scénario pour une Europe agroécologique en 2050

Le projet TYFA s’inscrit dans l’agenda politique de transition de l’agriculture européenne vers une durabilité forte. TYFA signifie « Ten Years For Agroecology » : nous avons dix ans non pas pour atteindre une Europe agricole intégralement agroécologique, mais pour amorcer une transition qui rende cet horizon crédible.

Le projet TYFA consiste en une démarche prospective mobilisant une forte expertise scientifique. Il a été développé avec l’IDDRI depuis 2014 avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme.

Dans une première phase, achevée en 2018, il s’est agi de concevoir une image du système alimentaire européen en 2050 dont les principes sont conformes avec une déclinaison d’une agroécologie forte : absence d’intrants de synthèse (pesticides et engrais de synthèse), place centrale donnée aux infrastructures écologiques (haies, arbres, mares, zones humides,…), complémentarité entre cultures et élevage. Les hypothèses ont été conçues de manière à souscrire à des demandes sociétales qui s’expriment de plus en plus nettement en matière d’alimentation, d’agriculture et d’environnement. Le principe est d’envisager un jeu d’hypothèses cohérent, qui aborde les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation européenne de manière systémique et dans une optique multifonctionnelle. L’élevage extensif, les prairies permanentes, les légumineuses, les systèmes de cultures diversifiés, le développement de la production maraîchère et fruitière, la couverture des sols, les haies sont les caractéristiques tangibles de l’image agricole proposée.

Les hypothèses de TYFA se distinguent d’une approche qui promeut une forme d’agriculture industrielle dont le principe fondamental est une recherche d’efficacité dans l’usage des intrants. Cette approche d’intensification « durable » (Sustainable Intensification) conduit à des performances élevées en matière de gaz à effet de serre, mais en étant monofonctionnelle, néglige des aspects fondamentaux comme la biodiversité, les paysages, la présence de pesticides dans les milieux et l’alimentation. En outre, consistant en une adaptation du mode de production actuel, la Sustainable Intensification continue de proposer comme modèle une agriculture européenne très productive dont le niveau d’offre est aujourd’hui trop élevé et déséquilibré, à l’origine d’occurrence élevée d’obésité, de maladies cardiovasculaires, sans parler des suspicions élevées en matière de risques de cancers associés tant à la quantité de ce nous mangeons qu’à sa qualité (déficit d’Ω3, présence de pesticides,…).

Outre cette approche délibérément multifonctionnelle, une originalité de TYFA est de proposer une analyse des tenants et aboutissants du développement de l’agroécologie à l’échelle européenne (UE 28). Ce niveau est en effet doublement pertinent : (i) c’est celui auquel les systèmes alimentaires sont organisés ; (ii) et il correspond à celui auquel des décisions politiques devront être prises en matière de politique commerciale, de protection de l’environnement et du consommateur et de politique agricole commune.

Un second point clé de TYFA est de proposer une quantification des conséquences du développement d’une agriculture agroécologique en développant un modèle dédié, intégrant des hypothèses sur les performances agronomiques et productives de différents ateliers de production animaux et végétaux (les rendements sont plus faibles qu’actuellement), d’usage des sols, d’alimentation humaine et animale, d’import/export (on soulignera un arrêt de la déforestation importée associée au soja dans la mesure où les protéines sont d’origine européenne), de transfert de fertilité azotée et d’alimentation. La modélisation indique que la baisse de rendement induite par les hypothèses agronomiques ne remet pas en cause la capacité de l’Europe à nourrir sa population en 2050 ni même à conserver un volant d’exportation pour les céréales et les productions à forte valeur ajoutée (vins, fromages). La condition d’une telle condition est que l’alimentation évolue vers une division par deux de la consommation des produits d’origine animale, qui seront pour le coup de meilleure qualité et davantage conformes aux enjeux de bien-être animal.

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Si la modélisation agronomique constitue une étape importante pour contribuer au débat sur l’agriculture que les Européens désirent, les travaux sur TYFA sont amenés à se poursuivre en abordant les dimensions économiques, sociales et politiques du scénario et de sa phase de transition. Cette phase devrait prendre lieu sur la période 2019-2021, en lien avec l’IDDRI et un partenariat impliquant des chercheurs de l’INRA, d’AgroParisTech, du Basic et du Collaborating Centre on Sustainable Consumption and Production (CSCP). Le plan de financement est en cours de montage (Novembre 2018).

TYFA fait l’objet d’un fort intérêt, comme en témoignent les demandes de présentations et de discussions auprès de la communauté scientifique (plusieurs présentations à l’INRA, auprès du WBCSD), politique (DG Agri, Assemblée Nationale,…) et de la société civile (ONG environnementales et paysannes).

Xavier Poux, AScA

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